P007 – The ‘Inside Out’ of the Congolese Power and its Critical Fiction: the Ambiguous Adventure of the Phratry of the Congolese Writers
9 July, 16:00-17:30

Convenor(s)
Peghini Julie / CEMTI, université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis
Yengo Patrice / IMAF-EHESS, université de Brazzaville

Abstract

The literary excitement, which characterizes Congo-Brazzaville since the 50s, was often raised, we even spoke of the “miracle of the Congolese phratry” about the exceptional synergy, which settled down within writers’ core that maintained narrow friendly and literary relations. We shall study, in particular from the case Labou Tansi Sony, the relationship that maintain the writers with the political evolution of the country, the modalities and the diverse forms of their commitments within the framework of a State freshly set up. What discussions (in the correspondence, the literary reviews, the circulation of the works) did not have to fail be born on this question? How this change of frame connected to the evolution of the geopolitical situation (change of the north-south axis in the western axis) did it transform the activity of any and others, from the point of view of the relationship of the art in the politics as from the point of view of the very artistic creation? We shall become attached to the possibility of a counterculture of the “internal country” opposed to the “botched” nation state, the river as imaginary link between both Congo… Our working hypothesis is the way, in Central Africa, the writing puts in tension politics and religious orders. It is by the prophetical nature of the writing that the Congolese literature, even written in French, interacts with the society, which is this way a “furious” literature rather than committed.

L’effervescence littéraire qui caractérise le Congo-Brazzaville depuis les années 50 a été souvent relevée, on a même parlé du « miracle de la phratrie congolaise » à propos de l’exceptionnelle synergie qui s’est installée au sein d’un noyau d’écrivains qui entretenaient d’étroites relations amicales et littéraires. Nous étudierons, notamment à partir du cas Sony Labou Tansi, le rapport qu’entretiennent les écrivains avec l’évolution politique du pays, les modalités et formes diverses de leurs engagements dans le cadre d’un État nouvellement indépendant. Quelles discussions n’ont pas dû manquer de naître sur cette question (dans la correspondance, les revues littéraires, la circulation des œuvres) ? Comment ce changement de cadre lié à l’évolution de la situation géopolitique (changement de l’axe nord-sud à l’axe ouest-est) a-t-il transformé l’activité des uns et des autres, du point de vue du rapport de l’art à la politique comme du point de vue de la création artistique elle-même ? On s’attachera à la possibilité d’une contre-culture du « pays intérieur » opposé à l’État-nation « bâclé », du fleuve comme trait d’union imaginaire entre les deux Congos… Notre hypothèse de travail est la façon dont, en Afrique centrale, l’écrit met en tension le politique et le religieux. C’est par le prophétisme scripturaire que la littérature congolaise, même lorsqu’elle s’écrit en français, entre en interaction avec le corps social, en ce sens une littérature « enragée » plutôt qu’engagée.

Paper 1

Yengo Patrice / IMAF-EHESS, Université de Brazzaville

De la « fratrie » congolaise comme lieu du politique

La « fratrie » des écrivains congolais reconnue pour le rayonnement de ses membres, parmi les plus éminents des lettres francophones d’Afrique, n’a pas encore livré les secrets de son histoire dont l’origine remonte au groupe des « évolués » du journal Liaison, ni la spécificité de ses rapports avec le pouvoir politique qui l’a toujours ménagé, tous régimes confondus. Ces égards ne relèvent pas d’une quelconque bienveillance mais de la fascination qu’exerce l’écrit dans ce pays et de la “fratrie” comme opérateur du politique.
En effet, en faisant l’hypothèse de la « fratrie » comme lieu du politique, c’est-à-dire comme espace d’engagement avec ses convergences et ses dissensus, l’on parvient à éclairer les enjeux du pouvoir qui à la fois la nimbent et la structurent mais l’enserrent aussi dans des contradictions que signalent les positionnements individuels de chaque membre vis-à-vis du pouvoir. Face à la délégitimation postcoloniale de la politique, la « fratrie » apparaît comme un espace infra-étatique porteur des enjeux sociaux de délibération politique.

Paper 2

Peghini Julie / CEMTI, Université Paris 8

Thérésine Amélie / IRET, Université Paris 3

Du Rocado Zulu Théâtre de Sony Labou Tansi au Mantsina-sur-scène de Dieudonné Niangouna : de la pensée du théâtre comme arme de riposte à la résistance faite œuvre collective par l’acte théâtral

Retraçant le parcours singulier de l’homme de théâtre total qu’est Sony Labou Tansi, nous montrerons comment il pense l’art dramatique comme une arme de riposte. Sony ne cessera de déconstruire et de reconfigurer tous les héritages, soucieux d’un « cosmocide » à venir et toujours conscient que « notre combat n’est pas fini. ». Ainsi va le théâtre de Sony, chaos d’où émerge tous azimuts une immense « rage » poétique et un grand « rigolement » qui saute d’un fleuve ou d’une rencontre à l’autre : « Mais je reste fou de l’idée de défendre des compagnonnages et des choix d’aventures ».
Parce qu’il poursuit l’œuvre sonyenne ‒ « le théâtre doit boxer la situation » ‒, Dieudonné Niangouna revendique et accueille ce legs avec le souci de ne pas refaire les mêmes erreurs : celles qui ont conduit Sony dans les dernières années de sa vie à l’isolement politique, et après sa mort, à la dissolution de sa troupe sans que l’esprit de ce collectif ne trouve une relève. Avec sa bande de « mantsinistes », l’auteur, dramaturge, comédien et metteur en scène Dieudonné Niangouna crée à Brazzaville, implanté au sein du Cercle Sony Labou Tansi, un lieu de résistance active, qui, dans ses enjeux comme dans son format se réinvente constamment. Un festival où se raconte une relation autre aux arts vivants, orchestrée dans des écritures du combat et une polyphonie de propositions artistiques. Un espace de transmission qui crée ses propres modes de circulation et façonne une pensée critique.

Paper 3

Gahungu Céline / ITEM, Université Paris-Sorbonne

Sony Labou Tansi et Sylvain Bemba : 1974-1976

Lorsque Sony Labou Tansi rencontre Sylvain Bemba pour la première fois au cours de l’été 1974, le jeune écrivain est encore inconnu dans l’univers littéraire congolais. Certes, en 1973, des poèmes sélectionnés par Édouard Maunick sont publiés dans Le Panorama de la poésie française depuis 1945, et la pièce Conscience de tracteur reçoit le quatrième prix du Concours théâtral interafricain, mais l’auteur n’est guère satisfait. Il a beau multiplier les écrits, pratiquer tous les genres littéraires, les portes de l’édition tardent à s’ouvrir.
Au cours de ces années fondatrices où Sony Labou Tansi fabrique un univers et apprend le « boulot d’écrivain », les relations nouées avec Sylvain Bemba sont cruciales. Soucieux d’affûter sa plume, l’auteur en devenir sollicite les conseils de lecteurs avisés. Á José Pivin et Françoise Ligier s’adjoint Sylvain Bemba. Un détail, cependant, ne peut manquer de retenir l’attention de la critique. Alors que les deux hommes se rencontrent en 1974, les premières traces des corrections auxquelles Sylvain Bemba se livre sur les manuscrits de son ami n’apparaissent qu’en 1976 dans les marges de La Natte. L’admiration de Sony Labou Tansi à l’égard de son aîné, récemment libéré des geôles du pouvoir, se double d’une grande prudence politique. Entre 1974 et 1976 se tissent ainsi des rapports complexes qui, à la lumière des troubles ensanglantant alors la République populaire du Congo, permettent d’appréhender les enjeux d’un univers littéraire en gésine.

Paper 4

Leroux Pierre / doctorant à l’Université Paris III, Sorbonne-Nouvelle

Habiter le Congo. Textes fondateurs et fiction critique dans les œuvres de Tchicaya U Tam’si

« Je dirais que Sony habite le Congo, moi le Congo m’habite. »
Au sein de la “phratrie” des écrivains congolais, Tchicaya U Tam’si fait figure à la fois de père fondateur et de satellite. Il est un des premiers à atteindre une certaine notoriété par ses textes poétiques mais il a vécu la plus grande partie de sa vie à Paris, loin des remous de la politique congolaise des deux bords du fleuve. Dans ce contexte, la phrase placée ici en épigraphe a plus d’un sens. L’auteur questionne en effet son rapport au pays natal et il met en tension sa volonté d’identification et la distance critique facilitée par la distance géographique.
Cette double manière d’habiter le Congo se retrouve dans l’œuvre de Tchicaya et il semble hésiter entre une exploration d’un passé mythique, d’une unité rêvée, et l’analyse des failles et des perversions du Congo postcolonial. Entre le désir de trouver la source pure de l’inspiration dans la préface des Légendes africaines et l’injonction « chiez sur la terre qui vous a vu naître » une vingtaine d’années plus tard, c’est toute une réflexion sur le rapport au lieu qui se déploie.
En nous appuyant sur un corpus varié, nous essaierons de comprendre comment le Congo habite l’œuvre de Tchicaya et comment, en retour, le poète, romancier et dramaturge fait cohabiter son espoir et ses déceptions derrière le signifiant Congo.

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