P093 – “Signs” of the Times: African Protest Movements and Struggles Across the Imaginary
9 July, 16:00 – 17:30

Convenor(s)
Mintoogue Yves / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CESSP-CRPS

Abstract

Anti-colonial resistances, national liberation struggles, irredentism, demands for democracy, urban upheavals… Political conflicts and multifaceted social protests have grown to unprecedented proportions on the African continent since the introduction of capitalism and the resultant transformation of economic structures. These waves of protests, then and now, are a manifestation of the legitimacy crisis of (post)colonial states and the need to overhaul the social contract and improve living conditions. Analyses of these movements generally focus on the organizational aspect and the modes of collective action or on the trajectories of the actors, while neglecting the symbols that inspire or support them.
While acknowledging the material constraints these African struggles and their actors face, this panel examines the role of utopias and the imaginaries that inspire the African resistance movements and social protests, viewed as moments during which representations of order or disorder, authority, justice or democracy are reconfigured: in short, (il)legitimate political action. The aim is to determine to what extent the political, cultural and aesthetic imagination of African societies as well as their historical memory gives an account of, inspire, or structure protest movements on the continent.

Signes des temps : mobilisations et luttes africaines au fil des imaginaires
Résistances anticolonialistes, luttes de libération nationale, irrédentismes, revendications démocratiques, émeutes urbaines… Conflits politiques et contestations sociales multiformes ont pris une ampleur inédite sur le continent africain depuis l’introduction du capitalisme et la transformation des structures de l’économie qui s’en est suivie. Ces vagues contestataires, hier comme aujourd’hui, témoignent de la crise de légitimité des États (post)coloniaux et du besoin de refondation du contrat social et d’amélioration des conditions de vie. L’étude de ces mobilisations porte plus souvent sur les aspects organisationnels, les modalités de l’action collective ou encore les trajectoires des acteurs ; les ressources symboliques qui les inspirent ou les soutiennent restant plutôt négligées.
Sans nier les contraintes matérielles auxquelles les luttes africaines et leurs acteurs font face, ce panel interroge la fonction des utopies et des imaginaires dont se nourrissent les mouvements de résistance et les mobilisations sociales africains, en tant que moments où se reconfigurent les représentations de l’ordre et du désordre, du pouvoir, de la justice ou de la démocratie ; en un mot de l’action politique (il)légitime. L’ambition est de déterminer dans quelle mesure les imaginaires politiques, culturels et esthétiques des sociétés africaines ainsi que leur mémoire historique, rendent compte, inspirent ou structurent les mobilisations sur le continent.

Paper 1

Tabernero Carlos / Universidad Autónoma de Madrid

Imagining the territory; confronting the reality. The fight for the control of the natural resources as source or consequence of the struggle between Angola and the secessionist movement in Cabinda

The secessionism, as a source of struggle between different imaginaries of the territory and its borders, is a political question that reappears constantly in different parts of the planet. But then and now, while the world looks to Scotland, Catalonia or Quebec, the secessionism in Africa has been mostly forgotten.
However, there are various places in the continent where struggles occur between the post-colonial states and the movements that fight for the independence of a part of the territory. This is the case of Cabinda, the 18th province of Angola, where the struggles between imaginaries, discourses and ways to construct the reality of the territory of the exclave and its borders appears with the independence of Angola in 1975 and continue nowadays. Since then, a fight started up between the government of Angola, the secessionist movements of Cabinda and, lesser extent, the pan-congolese imaginary defenders. But there are material questions in the middle, like the extraction and the distribution of the oil revenues from the Cabinda ocean waters.
This paper will examine, with the example of Cabinda, if the fight for the control of the natural resources is the source of the conflicts between post-colonial states and secessionist movements, leaving the discourses as mere acts of justification. Or, on the other hand, if different imaginaries of the territory and its borders are behind the struggle, and the control of the natural resources is only a mean to win that fight.

Paper 2

Dang Armand / CESSP-CRPS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Luttes sociales et politiques africaines : militantisme et mobilisation « hors-sol » en France.

Une étude du paysage des luttes politiques africaines ne saurait nier la part qui revient aux mobilisations « hors-sol », celles qui émergent en dehors du continent mais y demeurent ancrées. De quoi est donc faite cette « action collective » ? Qui sont ces « entrepreneurs de causes »? Quelles sont les « ressources symboliques » mobilisables et mobilisées? Et comment s’articulent-elles aux revendications sur le continent ? Cette série de questions résume les préoccupations qui sont les nôtres. Nous nous proposons ainsi de rendre compte des dynamiques de formation de groupes qui réunissent des acteurs se réclamant de l’Afrique, en y apportant une analyse des référents symboliques mobilisés dans la production discursive. L’hypothèse principale étant que ces mobilisations agissent comme une “caisse de résonance” des discours protestataires dans des contextes répressifs. La promotion d’une cause comme celle des « biens mal acquis » par les chefs d’Etats africains en France qui se donne à voir depuis le début des années 2000, sert de cadre à l’analyse. Une attention particulière sera portée ici aux acteurs et à leurs stratégies contestataires, notamment dans l’invocation d’un âge d’or africain. L’invocation du néologisme « françafrique », de figures historiques de la résistance, mais aussi les références aux scandales politiques contemporains liés à la prédation des ressources sont autant d’éléments qui participent de la création d’un “cadre d’injustice”.

Paper 3

Ndengue Rose / CESSMA, université Paris 7

Femmes et lutte politique au Cameroun oriental: un imaginaire aux frontières de la domesticité et de l’émancipation (1945-1960).

Les 15 années précédant l’indépendance du Cameroun oriental, voient émerger sur la scène publique des voix féminines portant des revendications socio-économiques et politiques. Jusqu’alors, seuls des acteurs masculins (administration française ou autochtones) s’y exprimaient. Comme dans beaucoup de territoire sous domination coloniale, la fin de la Seconde guerre mondiale marque un regain des idées nationalistes au Cameroun, et partant, une polarisation du débat public autour du conflit opposant le projet colonial le projet nationaliste quant à l’avenir du territoire. C’est dans ce contexte que les premières élites féminines camerounaises vont se mobiliser pour faire entendre leurs voix, en tant que porte-parole des préoccupations féminines. L’ambivalence de leurs revendications articulant un imaginaire domestique et conservateur (mise en avant de la notion du devoir d’épouse et de mère) à une perspective émancipatrice (revendication d’indépendance ou de l’égalité des droits politiques avec les hommes), constitue une stratégie de mobilisation qui permet de rendre compte de leur position sociale ambiguë : à la fois alliées, et adversaires des acteurs masculins (administrateurs et autochtones) de la sphère publique.

Paper 4

Nken Njeng Philippe / IMAF, EHESS

La lutte pour le sens, le sens de la lutte et l’articulation de la résistance en situation coloniale : le cas de Rudolf Douala Manga Bell au Cameroun.

En 1910, l’Allemagne, qui assume le protectorat du Cameroun, décide d’exproprier les Dualas d’une partie de leur territoire. Ce faisant, elle suscite une vive opposition chez ces-derniers, menée par le chef supérieur Douala Manga Bell. Le conflit qui s’amorce se déroule autant sur le plan symbolique que matériel. En effet, il engage des représentations antagonistes de la colonisation, les Allemands mobilisant la figure du nègre intrinsèquement dépourvu de souveraineté, Manga Bell (ré)activant le souvenir du désir de modernisation qui aurait conduit ses ancêtres à conclure un traité de protectorat avec les Allemands. Ensuite, Manga Bell radicalise son opposition en donnant un sens nouveau à la lutte : il élabore un répertoire national inédit, qui englobe toutes les sociétés du Cameroun géographique, que des processus pluriels conduiraient vers la constitution d’une communauté politique plus large et étatisée. Enfin, l’imagination politique déployée par Manga Bell est comme un palimpseste qui révèle, en creux de la contestation officielle, des questions problématiques occultées au moment de la lutte : la collaboration de Manga Bell à l’établissement de la colonisation allemande et l’ascension connue par son lignage à la faveur de celle-ci ; l’affirmation d’une hégémonie douala sur les autres populations africaines ; le déficit de cohésion chronique dont pâtit la société douala, au moment même où le mythe unitaire prend sa substance.

Paper 5

Mintoogue Yves / CESSP-CRPS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

L’imagination de la nation et ses grammaires symboliques dans le discours nationaliste au Cameroun.

Les discours des mouvements africains de libération nationale, on l’a souvent dit, s’étaient largement inspirés des idées européennes des Lumières. Ce qu’on sait moins, c’est que la cause de l’indépendance ainsi que le contenu de la modernité politique dont ces mouvements nationalistes se voulaient porteurs agrégeaient souvent différentes valeurs/utopie issues de mémoires historiques et de pratiques culturelles concurrentes, entre ressources de la «modernité coloniale» et de l’extraversion, d’une part, et régimes de savoirs et systèmes de signifiants propres aux sociétés locales, d’autre part.
Cette communication s’intéresse à l’exemple de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), le mouvement nationaliste qui articula la revendication d’indépendance dans ce territoire à partir de 1948. Elle se propose d’examiner les références intellectuelles et mémorielles, mais aussi les images et les signes mobilisés par l’UPC dans son entreprise d’élaboration d’un récit national et de développement d’une « culture nationale ». Un récit qui liait l’émergence d’une «culture nationale» camerounaise non pas au moment colonial en soi mais à une somme d’expériences et d’héritages cumulés dans la longue durée et qui devait rester ouverte à l’intégration de nouveaux apports perçus comme des «biens communs de toute l’humanité». Dans cette nouvelle narration de soi, l’indépendance marquait le début de l’ère qui devait voir la nation se réaliser, ainsi que les valeurs de liberté et de justice.

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