P120 – Étudier dans l’ancien bloc soviétique : un projet de protestation ?
8 July, 16:00 – 17:30

Convenor(s)
Labache Lucette / RIAM/FMSH
Kouvouama Abel / ITEM-RIAM/UPPA

Abstract

Studying in the Former Soviet Block as a Protest Project

Elitaf program, started in 2012 at FMSH-Paris, focuses on students and elites who have training in countries of the ex-soviet bloc. Since the middle of the XX century, people coming from ex-French colonies or French department overseas, had studied in the ex-soviet block. Education policies in these colonies focused on training officers with a law degree. So, in the programme of decolonization, the states which had chosen the eastern countries for a place of study, acted as an implied breaking-down against a former colonialist. Was it a way to weaken the policies of the later colonialist state and to present to the population other alternatives projects? If the answer is yes, we can argue that the choice for the eastern countries appears like a form of protest against the former colonialist. The case of African countries like Congo, Benin, Senegal, Marocco and Camerun or French department overseas, such as La Réunion Island, will serve to analyse the historical context in which theses migrations appeared. We are interested in motivations and stakes attached with this project, experiences and futures of students and consider the large forms of protest revealed (alignment on the soviet model, will to create an independent state…).

Étudier dans l’ancien bloc soviétique : un projet de protestation ?

Le programme Elitaf lancé en 2012 à la FMSH-Paris, se focalise sur les étudiants et élites africaines formés dans les divers pays de l’ancien bloc soviétique. A partir des années 1960, des ressortissants des anciennes colonies françaises et départements d’outre-mer ont été formés dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Eu égard à la politique de formation dans les colonies, qui avait toujours privilégié les cadres subalternes, l’orientation dans les pays de l’Est apparaissait, pour les nouveaux Etats pris dans l’urgence de la décolonisation et des indépendances, comme l’implicite d’une rupture politique contre l’ancien colonisateur. S’agissait-il de préparer l’affaiblissement politique et culturel de l’ancienne puissance coloniale et de présenter à la population d’autres alternatives ? Si c’est le cas, le choix des pays socialistes comme lieu de formation apparaît comme une forme de protestation contre l’ancienne nation de tutelle. En examinant les situations de différents pays africains (Congo, Cameroun, Bénin, Sénégal, Maroc, etc…) ou celle de La Réunion, il s’agira d’analyser dans quel contexte historique ces flux migratoires ont pris naissance, les motivations qui les sous-tendaient, les multiples enjeux qui s’y déployaient, les expériences des étudiants ainsi que leur devenir et de décliner les diverses formes de protestation (choix d’alignement sur le modèle soviétique, volonté de créer un état autonome…) qui se sont manifestées par le biais de ce projet.

Paper 1

Niane Boubacar / UCAD/FASTEF 

Entre engagement sociopolitique et réalisation personnelle des Sénégalais formés dans l’ex-bloc de l’Est

La présente communication tente, à partir de l’exemple des Sénégalais formés dans les pays de l’ex Bloc de l’Est d’analyser le processus de domestication ou du bon usage de l’internationalisation : circuler ses savoirs / pouvoir (se) circuler soi-même. Autrement dit, quel est le degré d’anticipation (sens du placement) de ceux-là qui ont été formés à l’Est ; leur capacité à déconstruire /retraduire (adaptation) un modèle sociopolitique ou idéologique ? Pour ce faire, au moins trois axes de questionnement peuvent être retenus : i) le rôle, la place des agents de facilitation ou ‘passeurs’ (partis politiques – centres culturels – gouvernements – etc.) et les médiations usitées par eux pour identifier, sélectionner, acheminer les candidats, ainsi que les modèles et processus d’inculcation dans les pays d’accueil ; ii) les réseaux de sociabilité, d’intégration et de reconnaissance, en particulier le poids et le degré d’influence des associations dans l’insertion professionnelle et/ou sociopolitique des diplômés ; iii) les mutations et permanences dans les trajectoires socioprofessionnelles et politiques.
Il s’agira de voir in fine, si l’on peut parler, pour le cas de ces anciens étudiants, de la transformation des savoirs et sens ou plutôt de simple reconduction d’une inculcation. Ont-ils pu ou non, faire montre d’une capacité d’élaboration de postures socioprofessionnelles aptes à faire émerger un nouveau modèle sociétal, ou tout au moins de nouveaux paradigmes ?

Paper 2

Mateyi Jean / LAM-Bordeaux 3

La traversée du rideau de fer des syndicalistes gabonais

Au Gabon, des leaders syndicaux, pour des raisons personnelles ou de formation, ou encore pour participer à des conférences internationales, partirent au-delà « du Rideau de fer ». La lutte d’influence entre les puissances occidentales emmenées par les Etats-Unis et les démocraties populaires, conduites par l’Union soviétique, s’était concrétisée par des ingérences de plus en plus nombreuses dans les affaires intérieures des pays nouvellement indépendants. Au Gabon, ces ingérences se sont manifestées dans plusieurs domaines, et en particulier dans les mouvements de jeunesse et à travers le syndicalisme. Sur plan intérieur, le syndicalisme reste au Gabon l’un des moyens d’expression des classes démocratiques. Il constitue un droit fondamental, un moyen d’expression particulièrement nécessaire dans les pays sous-développés qui ont un pressant besoin d’améliorer le niveau de vie de leurs ressortissants. Ceci nous amène à nous interroger sur le profil et les motivations de ces syndicalistes qui se sont ralliés aux pays de l’Est. Qui étaient ces syndicalistes ? Dans quels mouvements syndicaux exerçaient-ils ou militaient-ils ? Quelles étaient les principales réclamations de leurs syndicats ?Ces syndicalistes étaient-ils considérés comme des agents subversifs par le gouvernement gabonais ? Quelles ont été les méthodes déployées par l’état gabonais afin de réduire leur influence ? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre à travers notre communication.

Paper 3

Demintseva Akaterina / Ecole des Hautes Etudes en Sciences Economiques (EHESE)

Portrait sociopolitique des étudiants africains en URSS entre les années 1960 et 1980

Dans les premières années qui suivent l’indépendance des pays africains, l’Union Soviétique met en place un programme d’accueil des étudiants originaires de l’Afrique dans les différentes universités du pays. Les autorités soviétiques attirent l’attention qu’il ne faut pas seulement inviter les étudiants en provenance d’Afrique ou d’Asie à étudier en URSS. Il s’agit aussi de les former idéologiquement. Aussi, les programmes pédagogiques incluent des matières destinées à l’étude de l’idéologie marxiste-léniniste.
Vers le milieu des années 60, le nombre d’étudiants africains qui suivent un cursus en URSS est multiplié par deux par rapport au début des années 60. Cependant, si on remarque que les origines sociales sont diversifiées, l’administration manquait d’informations sur les conditions de vie avant l’arrivée en URSS. Aussi, il est intéressant de s’interroger sur le profil sociologique des étudiants, leurs parcours d’intégration dans la société soviétique et leurs idées politiques. Tout comme, il est nécessaire de se questionner sur l’impact de l’enseignement idéologique pendant leur études et au moment du retour au pays. Ces connaissances ont-elles renforcé des idées d’opposition par rapport à l’ancienne puissance colonisatrice ? Ont-elles été le moteur pour un alignement avec le bloc de l’Est ? Ou au contraire ont-elle constitué la base pour une critique sociale aussi bien sur le bloc occidental que sur les pays de l’Est ?

Paper 4

Ngwé Luc / FMSH-RIAM

Partir à l’Est comme forme de contestation de l’ordre colonial et post-colonial au Cameroun. Le cas des militants de l’Union des Populations du Cameroun

Le processus de décolonisation marqué par une lutte armée dans un contexte de guerre froide naissante cristallise les clivages politiques au Cameroun et dans une moindre mesure les trajectoires des mouvements politiques dont l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Ce parti qui conteste l’ordre colonial et revendique l’indépendance dès sa naissance en 1948 reçoit sous différentes formes, le soutien de certains pays d’obédience communiste. Banni du jeu politique dès 1955 et soumis à une forte répression depuis lors, ce parti va pourtant continuer à contester le pouvoir d’Ahidjo ainsi que l’indépendance acquise les considérant comme « fantoches » et avec eux l’ordre post-colonial ainsi mis en place. C’est dans ce contexte que l’UPC enverra ses militants dans les différents pays d’obédience communiste au gré des alliances et des désalliances avec ses différents soutiens.
Ces processus et situations appellent de nombreuses questions. Que signifie pour l’UPC le fait de partir à l’Est pendant la période coloniale et post-coloniale ? Que signifie pour les différents militants à différentes périodes le fait d’aller faire des études ou des formations à l’Est. ? Quels types de formation reçoivent-ils et quelles sont leurs trajectoires ? Ces départs constituaient-ils des stratégies de conquête du pouvoir d’Etat ou engageaient-ils plus globalement une contestation d’une forme d’ordre politique, social et sociétal ?

Paper 5

Scarfo-Ghellab Grazia / Ecole Hassina de Travaux Publics Casablanca 

La formation des ingénieurs marocains en URSS. Entre stratégie nationale et parcours individuels

Pour comprendre les départs d’étudiants marocains vers l’URSS à partir des années 60, et en particulier celui de ceux partis poursuivre des études d’ingénieurs, il faut prendre en compte plusieurs aspects : le contexte historique, la faiblesse du Maroc en termes de cadres techniques au lendemain de l’indépendance et les stratégies familiales et individuelles. A partir de ces données, il est difficile d’inscrire la mobilité estudiantine marocaine vers l’URSS – qu’on la regarde du point de vue de l’histoire nationale ou sous l’angle des histoires individuelles – comme une forme de protestation contre l’ancienne nation de tutelle. Toutefois le travail de terrain n’est qu’à ses débuts. Notamment, les responsables des partis de gauches, qui ont participé à l’envoi de ces jeunes marocains en URSS n’ont pas encore été interviewés. Leurs récits pourraient finalement nous révéler encore un nouvel aspect qui rendrait encore plus complexe ce phénomène.
Notre intervention vise alors la présentation de nouveaux résultats du travail du terrain : d’une part, tirés de l’analyse des entretiens avec d’autres responsables de la politique éducative marocaine, mise en place par l’Etat et par d’autres acteurs privés (comme les partis politiques, justement), à partir des années 60 et pendant toute la période soviétique (jusqu’au 91), d’autre part issus de l’analyse des entretiens avec d’autres ingénieurs partis se former en URSS et notamment avec des femmes ingénieurs.

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