P195 – Refugees and Asylum Seekers Experience: Terror of Witchcraft, Cultural Memories, and Bureaucratic Violence
8 July, 17:30-19:00

Convenor(s)
Ceriana Mayneri Andrea / Institut des mondes africains (IMAF)
Beneduce Roberto / University of Turin

Abstract

The panel aims to explore the place of witchcraft anxieties in the trajectories and narratives of refugees and asylum seekers. More particularly: how does the fear of witchcraft mark their everyday lives and give voice to the conflicts and suspicions within families and communities? How can asylum seekers make their anxieties “credible” to Territorial Commissions and provide proof of the “mystical weapons” that threaten them? Often, these issues are reported as the experience of being haunted by neighbors or relatives, or as dreams in which they are “eaten” and possessed by invisible animals living in their bodies. For the asylum seekers, translating the idea of being persecuted by witches into humanitarian language is an “impossible task”, just a further complication in the effort to meet the eligibility criteria for International Protection. The concepts of “plausibility” and “coherence”, two of the main pillars for considering their narratives as credible, disregard the cultural forms of traumatic experience and personhood. They assume a “rational man,” with no room for other imaginaries and moralities. Focusing on various fieldworks (African and European), the panel would like to investigate the destiny of these experiences and discourses, as well as the role of neoliberal policies in forging new political subjectivities. In the background of the discussion of these issues is a more general question: how do refugees remember?

L’expérience de réfugiés et de demandeurs d’asile entre terreur de la sorcellerie, mémoires culturelles et violence bureaucratique
Ce panel souhaite interroger la place de la sorcellerie dans les trajectoires et les narrations de refugiés et de demandeurs d’asile. En Afrique et ailleurs, les représentations de la sorcellerie se sont entremêlées aux ressentiments qui pèsent sur les communautés déplacées et les relations des individus. Devant les institutions du « gouvernement humanitaire », comment des réfugiés peuvent-ils rendre « crédibles » les menaces de la sorcellerie ou amener les preuves des « armes mystiques » qu’ils sentent peser sur eux ? La peur d’être persécuté par les personnes les plus proches émerge souvent dans leurs narrations sous forme de cauchemars ou d’« animaux » habitant leurs corps : pour les demandeurs d’asile, la nécessité de traduire ces images devant les professionnels de l’humanitaire constitue un obstacle supplémentaire dans leur effort visant à remplir les critères d’éligibilité établis par les lois sur la Protection Internationale. Les concepts de « plausibilité » et de « cohérence », au cœur de l’idée d’une narration crédible, insistant sur un modèle d’« Homme rationnel » s’estompent devant ces expressions de l’expérience traumatique et témoignent d’autres formes de moralité. À partir de terrains divers (en Afrique et en Europe) ce panel souhaite interroger la construction politique d’un Sujet Humanitaire et de « régimes de mémoire » à partir d’une interrogation plus fondamentale : comment les refugiés se souviennent-ils et mettent-ils en récit leurs expériences ?

Paper 1

Batibonak Sariette / Aix-Marseille Université, IMAF

« Les sorciers me poursuivent ici à Genève » : Itinéraires des migrants africains à Genève et à Douala

« Je ne savais pas que la sorcellerie traversait les mers et les océans ». « Mon oncle a failli m’empêcher de voyager pour la Suisse par sa sorcellerie ». « Mon mari est bloqué à Douala à cause de la sorcellerie de son père ». « Ils [les sorciers] sont en train de “faire” pour que je ne voyage plus ». « Les sorciers me poursuivent ici à Genève ». Tels sont les extraits du parcours de quelques migrants rencontrés lors de nos recherches doctorales en Europe (Suisse et France) et en Afrique (Cameroun) entre 2009 et 2014.
En effet, selon l’imaginaire sorcellaire africain, les « sorciers » peuvent agir dans leur entourage proche ou éloigné. D’après ce postulat, et d’après les formes de la « modernité » de la sorcellerie (Geschiere, 1995 ; Tonda, 2000), il n’y aurait aucune barrière à l’action des « forces occultes » (Geschiere, 1995 : 22-23). Comment les migrants africains se servent-ils de l’imaginaire sorcellaire dans leur vécu en Europe dans un contexte de rationalité ? Cette réflexion s’inscrit dans la perspective selon laquelle tout discours sur l’imaginaire est « principe d’ambivalence » (Bayart, 1996 : 166) et par ailleurs, en Afrique, les entités occultes multiples n’ont rien de mystérieux car « les sorciers et les féticheurs, le Diable et les Démons, sont des « réalités » omniprésentes dans le quotidien des africains aujourd’hui » (Mary, 2009 : 139).

Paper 2

Lawrance Benjamin / Rochester Institute of Technology

Between Vodou and Forced Marriage: Translating African Asylum Claims and the Reception of Witchcraft in Refugee Status Determination

In 2009 a vodou priest’s (bokono) adherents kidnapped Dopé and brought her to the atikevodou shrine of Sakpata where she was imprisoned and raped. Dopé, originally from the village of Cové, was an educated, married woman living in Cotonou. She fled to the US to seek asylum. She believed her experiences were the result of her childhood betrothal as trokosi, a form of indebted curse exacted for her mother’s infidelity.
Dopé’s narrative was troubled her lawyers and they feared no judge would consider it plausible. They reframed her claim by documenting misogynistic forced marriage practices and child abuse, child slavery and the widespread belief in levirate. Her lawyers chose conventional arguments and pursued established precedent as a strategy to avoid foregrounding the discussion of vodou, routinely considered a form of witchcraft by adjudicators.
This paper follows the experiences of three women (from Togo, Benin & Ghana), all of whom invoked various forms of witchcraft and black magic in their asylum claims in the UK & US. I am interested in the disjuncture between the initial portrayal of the experience in the refugee’s own words, & the process of translation via lawyers & expert witnesses appearing before adjudicators. I argue that the constraints of refugee convention definitions for protection compel lawyers to reformulate witchcraft asylum claims into gender violence claims, & in so doing the refugee conventions subject terrified individuals to bureaucratic violence.

Paper 3

Faux Chloé / EHESS

Sick In/Of Europe: (inter)views of pain and imagination

Attention to the senses reveals the way bodies experience different cultural spaces. Not enough attention has been paid to asylum seekers’ embodied, affective experience of waiting for “papers,” that often results in a painful sense of heightened temporality. My paper addresses the way Sierra Leonean asylum seekers in Normandy manage psychosomatic stress through processes of subjectivation and modes of dependence on the medical system. The material accruement of medical documents and prescriptions is a way of making themselves intelligible in a country to be is to be experienced by means of representation on paper. Through the lens of magical realist kinship narrative I explore how my informants construct France as a “paper country” by way of traditionalist signifiers that evoke the bush as a site of sequestration. My paper invites an exploration of the shared status of imagination and pain as intangible modes, lived experience through a “rejuxtaposing [of] the colonial gaze… where the terms and practices imposed upon and appropriated from the colonies, like fetish, sorcery (the malejicum), and taboo are redeemed and come alive with new intensity” (Taussig 1992: 117). The paper will also explore the heuristic value of the interview in the context of bureaucracy, medicine, and social science, and raise questions about the epistemological status of “testimony”, “biography”, and “ethnography”.

Paper 4

Semin Jeanne / IMAF

La sorcellerie comme persécution : étude de cas nigérians

« Demander l’asile en France » c’est expliquer les raisons qui font « craindre avec raison » en cas de retour dans son pays. C’est cette expression de la crainte, confrontée à la raison, que je souhaite interroger. Intervenante sociale travaillant auprès de demandeurs d’Asile je présenterai deux études de cas, issues de mes observations. Elles concernent des hommes d’origine nigériane confrontés dans leur pays à des problèmes de sorcellerie. Les persécutions qu’ils allèguent les poursuivent jusqu’en France, où ils sont en proie à des crises de somnambulisme, et de perte de contrôle d’eux- même. Bien que dans les deux cas ils soient convertis récemment au christianisme, les croyances vaudou sont toujours actives, envahissant des rêves dans lesquels l’un d’entre eux, par exemple, se sent appelé pour retourner au pays verser son sang. Ces crises et ces rêves sont à interpréter comme l’expression d’angoisses et de sentiments de culpabilité. D’après les témoignages certaines pratiques de sorcellerie au Nigeria tendent à fidéliser les migrants à leur pays d’origine au-delà de la migration. Ne pas respecter ses engagements expose à des risques d’envoûtements puissants. Dans les représentations à l’oeuvre il s’agit-là de persécutions. Ces craintes sont pourtant irrecevables pour les institutions françaises et ne donnent pas droit à une protection. Laquelle pourrait par ailleurs paraître vaine…

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