P122 – La Côte-d’Ivoire après la crise : entre contentieux, violences résiduaires et mobilisations contestataires
8 July, 17:30 – 19:00

Convenor(s)
Kra Kouame Walter / Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d'Ivoire)
Oura Kouadio Raphael / Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d'Ivoire)

Abstract

Ce panel s’intéresse à la situation de la Côte d’Ivoire après une décennie de désordre induit par la rébellion armée de 2002 et la crise post-électorale de 2010. Depuis son installation en avril 2011, le nouveau régime fait face à des fronts contestataires à la fois politiquement, socialement et spatialement situés. Les acteurs animant ces fronts sont essentiellement des ex-combattants mal démobilisés et mécontents de la politique de réinsertion, des miliciens gouvernant de fait de vastes espaces de ressources naturelles, et dans une moindre mesure des acteurs de la société civile mobilisés contre la « justice des vainqueurs ». En effet, le processus DDR, bien que revu et corrigé, continue de faire l’objet de fronde de la part des ex-combattants à travers des mouvements de protestation parfois violents (sit-in, séquestration d’administrateurs, etc.). Au même moment, l’Etat négocie discrètement avec une bande d’ex-miliciens majoritairement burkinabé qui, dans la foulée de la rébellion armée et de la crise post-électorale, se sont associés pour revendiquer puis exploiter de force la ressource forestière du mont Péko, un parc national de 34 000 ha, considérée comme une juste récompense de leur effort de guerre. Enfin, des enquêtes ouvertes pour situer les responsabilités sur les crimes commis pendant la crise post-électorale sont contestées par une partie de l’opinion qui « parle de justice des vainqueurs ». En dehors du champ politique, le risque d’une explosion de violence en Côte d’Ivoire demeure donc bien réel. Et ce d’autant plus que des chefs des ex-forces rebelles qui ont porté le nouveau régime au pouvoir, ont étendu leurs activités économiques bien au-delà des zones qu’ils contrôlaient avant 2011.

Ivory Coast After Crisis: Between Contentious Waste Violence and Protest Mobilizations
This panel examines the situation in Côte d’Ivoire after a decade of disorder induced by the armed rebellion of 2002 and the post-election crisis of 2010. Since its establishment in April 2011, the new polity faces contestations both politically, socially and spatially located. The actors animating these contestations are essentially ex-combatants poorly demobilized and dissatisfied with the reintegration policy, militia governing wide natural resources areas, and to a lesser extent civil society mobilized against the ” Winners Justice “. Indeed, the DDR process, although revised and corrected, continues to be a contestation subject from the ex-combatants through sometimes violent protests (sit-in, sequestration administrators, etc.). At the same time, the polity quietly negotiating with a predominantly Burkinabé ex-militia gang, who  have joined to take by force Mont Péko, a national park with 34 000 ha, considered as a just reward for their war effort. Finally, investigations to determine responsibility for crimes committed during the post-election crisis are challenged by some of the opinion that tell about « Winners Justice ». Outside the political field, the risk of an explosion of violence in Côte d’Ivoire therefore remains very real. This, especially as the heads of the former rebel forces that put the new polity in power, have expanded their economic activities well beyond the areas under their control until 2011.

Paper 1

Ricard Maxime / Université du Québec

The reorganization of extraversion strategies of the former rebels Forces Nouvelles in Ivory Coast: Political dilemmas of state formation in a post-war context

Citizens living in the northern and portions of the western territories of Ivory Coast experienced rebel governance under the rule of the Forces Nouvelles during a major period of the Ivoirian crisis. Allies to the new political power, they redeployed their military and economic network across the whole territory starting 2011.
It will address the dilemmas posed by the practices of this military and economic network for the Ivoirian state and society since 2011. The aim is to provide an alternative way of understanding post-conflict Côte d’Ivoire using a theoretical framework combining historical sociology (Bayart 1989) and political economy (Hameiri 2012). The argument of the paper is that financial accumulation of ex-rebels participates in a continuing militarization of the State and society which extend the exacerbation of extraversion strategies, highlighting the continuities of the “neither war nor peace” governance of the year 2000s.
The value of such research is two-fold. Empirically, it seeks to understand these dilemmas and processes based on a two-year (2012 and 2013) experience in the Peacebuilding sector in Ivory Coast, both in western Côte d’Ivoire and Abidjan. Conceptually, it allows us to provide an alternative way for framing transitions from civil war away from normative judgments of what is not happening and towards understanding what is happening in the post-war state formation process in Sub-Saharan Africa.

Paper 2

Fofana Moussa / Université Alassane Ouattara de Bouaké

« Gnambros », « Syndicate » and « Germs »: After the political violence, the violence for all

Au sortir d’une dizaines d’années de crise militaro-politique dont le dénouement fut une violente crise post-électorale soldée par 3000 morts, le défi majeur qui se présente à la Côte d’Ivoire sous le régime du président Ouattara est celui de la réconciliation nationale et la construction d’un Etat de droit. Le contexte de la gouvernance actuelle reste cependant marqué par la persistance de diverses formes de violence larvée qui peuvent être de obstacles à la cohésion sociale escomptée même si l’on relève des indicateurs d’une normalisation de la vie sociopolitique et de réelles embellies économiques. Cette proposition s’intéresse aux jeunes qui dans l’espace urbain d’Abidjan sont les porteurs de cette violence. Il s’agit entre autres des ex-combattants mal démobilisés, des « gnambros » et autres « syndicats » essaimant les gares routières et usant de violence pour rançonner dans le secteur du transport ou encore les jeunes pré-adolescents dénommés « microbes » qui inquiètent au quotidien les habitants de certains quartiers. L’enjeu de cette proposition est de montrer, d’une part, la proximité entre ces acteurs jeunes et d’autre part comment ils intègrent une nomenclature de la violence structurelle mobilisable en temps de crise politique.

Paper 3

Oura Kouadio Raphaël / Université Alassane Ouattara de Bouaké

Déguerpissement du Parc National du Mont Péko et la question de la relocalisation des infiltrés dans l’espace périphérique

La rébellion armée de 2002 a renforcé les infiltrations du Parc du Mont Péko qui subit l’agression de milliers de clandestins.
En 2013, l’Etat a arrêté Amadé Ourémi, le chef de file, mais s’est retrouvé face à de nouveaux défis. L’Etat veut procéder à un déguerpissement sans faire de dégâts. Outre les préoccupations sociales, il poserait des problèmes sécuritaires. Par ailleurs, le déguerpissement constitue un manque à gagner économique car cela suppose la destruction de milliers d’hectares de cacao en production. L’enjeu est aussi diplomatique: la question de la réinsertion des occupants burkinabè préoccupe le Burkina Faso. Que faire des populations qui sortiront du parc? Où les reloger en cas de déguerpissement?
Voici autant de préoccupations qui justifient les hésitations de l’Etat ivoirien dans la mise à exécution de la politique de déguerpissement. Mais, en attendant, le parc continue de se dégrader, sans doute à un rythme plus accéléré. La question de la maîtrise de l’espace occupé et des espaces périphériques au parc se pose de plus en plus. A ce jour, la connaissance de la superficie colonisée et des espaces périphériques est nécessaire. Ce papier entend étudier la dynamique spatiale de l’occupation du parc et de sa périphérie depuis 2002 en vue de saisir les potentialités foncières dont dispose encore la périphérie à recueillir d’éventuels déplacés.
L’analyse de l’occupation actuelle de ces deux espaces aidera à une meilleure relocalisation des infiltrés déguerpis.

Paper 4

Kra Kouamé Walter / Université Alassane Ouattara de Bouaké

Le déguerpissement du parc national du mont Péko (Côte d’Ivoire) : une dynamique confligène

Après l’arrestation de Amadé Ourémi (leader emblématique des infiltrés du mont Péko et ex-chef milicien durant la crise post-électorale de 2010-2011), le gouvernement ivoirien a amorcé la dynamique du déguerpissement des milliers d’occupants de cette aire protégée de 34 000 ha colonisée par la cacaoculture. Mais la préparation au déguerpissement s’est heurtée à une résistance farouche des ex-combattants de Ourémi. Par ailleurs, les populations autochtones des villages environnants, sollicitées par les pouvoirs publics pour accueillir temporairement les déguerpis, sont réticentes. Elles ont peur d’être « envahies » et ruminent contre ces infiltrés qui ont pillé un parc dont leurs ancêtres avaient été évacués pour cause d’utilité publique. Cette situation a fabriqué un sentiment de frustration potentiellement explosif. Frustration des ex-combattants qui se voient dépossédés d’un bien (le parc) considéré comme une juste récompense de le
ur effort de guerre ayant permis au régime actuel d’accéder au pouvoir. Frustration des autochtones qui sont demeurés dans la pauvreté contrairement aux infiltrés qui jouissent des retombées de la cacoculture. De cette double frustration se dégagent des risques de violence collective entre les infiltrés et les acteurs étatiques pour le contrôle du cacao du parc, et entre les autochtones et les infiltrés sur fond de vengeance. L’objectif de l’article est d’étudier ces risques et de mettre en relief les défis à relever pour les dissiper.

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