P115 – Repressing Opposition. Legal Repression of Protests, Revolts and Resistance in Central Africa
9 July, 09:00 – 10:30

Convenor(s)
le Polain de Waroux Pascaline / cegesoma
Piret Bérengère / Université Saint-Louis

Abstract

Having long remained in the shadows, the issues of legal history and colonial justice are now experiencing a revival. For about a decade, researchers of different imperial spaces have placed this issue on their agenda. The panel we propose aims to deepen and explore the role of justice in the policies of Central Africa. More specifically, we wish to highlight the intervention of colonial courts in dealing with disputes, revolts and resistance – open or silent – of the African population. The analysis of the repression of resistance leads to consider the implications of colonial policy on local populations and that of the dynamics of power between the administration, the magistrates and the natives. Through various cases of repression of revolts in the African colonies, this panel wishes to examine the many facets of legal practice: What role does the judiciary play in systems of social control? What are the penalties? To which resources / legal instruments do colonial states resort? What goals are reflected in the repressive policy of the colonial governments? Besides institutional and normative aspects, we also want to focus on the actors of repression: who collaborates with the repressive system? Can we define any intermediaries?

Réprimer les oppositions. La répression judiciaire des contestations, révoltes, résistances en Afrique centrale

Longtemps restés dans l’ombre, les domaines de l’histoire du droit et de la justice coloniale connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt. Depuis une décennie environ, les chercheurs de différents espaces impériaux ont placé cette thématique dans leur agenda de recherche. Le panel que nous proposons souhaite approfondir et étudier le rôle joué par la justice dans le maintien de l’ordre en Afrique centrale. Plus précisément, nous souhaitons mettre en évidence l’intervention des cours et tribunaux coloniaux face aux contestations, révoltes et résistances (ouvertes ou silencieuses) des populations africaines. L’analyse de la répression des résistances conduit en effet à l’examen des conséquences de la politique coloniale sur les populations locales et celui du jeu de pouvoir entre l’administration, la magistrature et les populations. A travers les différentes expériences de répression des révoltes menées dans les colonies africaines, ce panel souhaite interroger les multiples facettes de la pratique judiciaire : Quel rôle l’appareil judiciaire joue-t-il dans les systèmes de régulation sociale? Quelles sont les sanctions? Quels moyens/instruments juridiques les états coloniaux mettent-ils en place? Quels objectifs se manifestent à travers la politique répressive des gouvernements coloniaux? Mais outre les aspects institutionnels et normatifs, nous souhaitons également nous intéresser aux acteurs de cette répression : qui collabore au système répressif ? Peut-on définir des types d’intermédiaires ?

Paper 1

Brunet- La Ruche Bénédicte / FRAMESPA, University of Toulouse Jean Jaurès

From “police rounds” to the court: Negation and uses of political revolt through its repression in Dahomey (1894-1940)

Cette communication a pour objet de présenter l’évolution des modes de répression des révoltes dans une colonie d’Afrique occidentale, le Dahomey, de 1894 à 1940. Il s’agit aussi de saisir la manière dont les auteurs de ces actes sont considérés et sanctionnés par les tribunaux et la façon dont ils se présentent et peuvent utiliser l’arme judiciaire pour contester le système répressif.
Le gouvernement colonial recourt aux tournées de police et à l’indigénat pour réprimer les rébellions jusqu’aux années 1910. Des réglementations de plus en plus nombreuses sanctionnent alors les atteintes à l’autorité publique devant les tribunaux, marquant une judiciarisation de la répression des atteintes à l’ordre colonial pendant l’entre-deux-guerres. Les tribunaux qui jugent ces affaires dénient la nature politique des actes de révolte, en les considérant comme des intérêts catégoriels par lesquels notables ou lettrés cherchent à asseoir leur pouvoir. L’incapacité politique présumée de la population colonisée telle qu’elle ressort des jugements s’accentue à l’égard des femmes, qui ne peuvent être pensées comme actrices dans les révoltes même lorsqu’elles en sont à l’origine. Les auteurs d’atteintes à l’autorité se défendent et sont jugés de manière différenciée selon qu’ils sont déférés devant les tribun aux indigènes ou français, le renvoi devant les juridictions françaises permettant aux prévenus d’utiliser la scène judiciaire pour contester le processus pénal colonial.

Paper 2

Piret Bérengère / Université Saint-Louis – Bruxelles

le Polain Pascaline / Université Saint-Louis- Bruxelles

Men dedicated to supply the shortage of means. The small justice and the small judges of the Belgian Congo (1908-1960).

Depuis une dizaine d’années, la mise en valeur de la justice coloniale et la prise en considération de l’expérience de la justice à travers ses acteurs nous conduisent à écarter la présentation traditionnelle du système judiciaire du Congo belge. Elle organise les institutions de manière duale, opposant les juridictions d’essence européenne aux juridictions dites indigènes ou opposant celles réservées aux justiciables africains à celles dévolues aux justiciables européens. Si ces distinctions sont opérantes en théorie, la pratique fait ressortir d’importantes divergences entre les juridictions traditionnellement contenues sous l’étiquette « justice européenne ». Le profil des juges, leurs missions et leur pratique de la justice sont autant d’éléments qui justifient l’extraction de certains tribunaux de cette classe et permettent la création d’un nouvel ensemble. Celui-ci répond à la logique de «petite justice» telle que développée par B. Durand permettant de garantir l’application du droit colonial et la protection des justiciables. Les juridictions relevant de la petite justice sont créées dans le but de rendre une justice rapide et proche des justiciables. Les juges qui les président sont d’ailleurs des agents administratifs du ressort, investis de fonctions judiciaires. Leur activité dense témoigne de leur importance dans l’administration de la justice au sein de laquelle elles servent de charnière entre les juridictions coutumières et celles relevant de la haute justice.

Paper 3

Abwa Daniel / Université de Yaoundé I

Le législatif au secours de l’administration coloniale: les cas de la révolte des population Yevol (1928) et l’affaire Um Nyobe-Gelis (1955)

Au Cameroun, territoire sous mandat français (1916-1945) et sous tutelle française (1945-1960), il y a eu plusieurs cas de collision entre le pouvoir législatif et l’administration coloniale. Généralement, c’est le législatif qui vient au secours de l’administration coloniale par une parodie de justice devant la conforter dans sa gestion des populations idigènes. Nous avons choisi deux cas qui illustres parfaitement deux types de soutien. Dans le premier cas, il s’agit d’une population qui se révolte contre les exactions de son chef de canton, Edjoa Mvondo désigné par l’administration coloniale. Outrée par ces exactions, cette population saisit le procureur de la République pour que justice lui soit rendue. De connivence avec l’administration coloniale, l’autorité judiciaire refuse de dire le droit. Ce qui oblige cette population à saisir la ligue de défense de la race nègre.
Le deuxième cas a lieu contre le secrétaire général de l’UPC, parti qui revendique depuis sa création en 1948 l’indépendance et la réunification des deux Cammeroun. Face aux succès de plus en plus importants que remporte ce parti tant au Cameroun qu’à l’extérieur de ce territoire, et, en vue de museler son secrétaire général, le haut commissaire Roland Pré fait appel à la justice française qui remet au goût du jour une vieille affaire déjà jugée et classée pour se donner un moyen légal de le retirer de la circulation. C’est l’affaire Um-Gelis. Le piège est cependant vite éventé.

Paper 4

Gendry Thaïs / EHESS

Un mouvement de révolte contre l’ordre colonial eu lieu dans le Royaume du Sanwi, en Côte d’Ivoire, entre 1915 et 1918. Les habitants, leurs chefs en tête de fil, élaborèrent une campagne politique pour récupérer leur autonomie politique et protester contre l’utilisation abusive de l’Indigénat dans leur cercle. Pendant deux ans ils s’exilèrent par milliers en colonie britannique et harcelèrent l’administration française ; ils voulaient être reconnu comme une force politique avec qui le pouvoir colonial devait négocier. L’échec du mouvement les poussa à rentrer en Côte d’Ivoire après avoir négocié leur amnistie.
Après leur retour, l’administration de la Côte d’Ivoire n’eut de cesse de chercher une occasion de condamner les chefs, ceux qu’elle voyait comme les meneurs du mouvement, ceux qu’il fallait exemplairement punir pour faire oublier l’affront et les velléités de rébellion.
Les administrateurs et les Sannvins firent appellent à la panoplie des régimes de droit disponibles dans les colonies pour continuer la bataille. Dans cette longue affaire judiciaire, indigénat, droit coutumier et droit français, s’entrechoquèrent et se contredirent. A partir de ces croisements, nous mènerons une réflexion sur la qualification du délit politique, l’instrumentalisation de la “coutume” dans le traitement du politique, et les stratégies développées par les sujets coloniaux pour s’affirmer comme sujet politique sur le terrain colonial.

Paper 5

Manière Laurent / Centre d’Etudes en Sciences Sociales sur les Mondes Africain, Américain et Asiatique (CESSMA)

Le recours à l’expédient disciplinaire dans le Dahomey colonial des années 1930 : de la révolte fiscale à la contestation de l’indigénat

Dans la colonie du Dahomey comme dans tout le reste de l’AOF , l’impôt de capitation est en général mal accepté par les populations qui tentent souvent de s’y soustraire de diverses façons : refus de payer, fuite individuelle ou collective, fausse déclaration… A partir du second semestre de l’année 1931, cette forme de résistance, jusqu’alors localisée ou épisodique, connut une ampleur sans précédent. Le Gouverneur constate qu’une importante partie de la population du sud du territoire ne s’acquitte plus de sa taxe. L’on se rend vite compte que les effets de la crise économique mondiale ne suffisent pas à expliquer cette défection, exceptionnelle par son extension, sa durée et la variété des modes opératoires utilisés.
Les Commandants de cercle, chargés de l’administration du territoire, répriment alors massivement le défaut de paiement par des peines d’amende ou de prison. Depuis la fin des années 1920, le volume de ces punitions disciplinaires prononcées par les administrateurs s’était stabilisé à un peu moins de 3000 sanctions annuelles. A partir de 1932, ce nombre grimpe de façon tout à fait singulière avec 4200 punitions annuelles enregistrées cette année-là, puis 8900 et 7500 les deux suivantes.

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