P083 – Histories of Contestatory/Contested Photographs
10 July, 14:00 – 15:30

Convenor(s)
Nur Goni Marian / EHESS
Nimis Érika / UQAM

Abstract

Following the path of a growing number of works (Christraud Geary, 2002 and Estelle Sohier, 2012) analyzing the social and political life of photographic images produced on the African continent since the second half of the 19th century (in order to enlighten history with renewed tools while enriching a global history of photography), this panel aims at bringing to light the various contexts in which photographs, their uses and the circulations of their media, have been able at some point to dispute the prevailing views of their times.
So, at the turning point of the African independence era, the photographer’s studio became the place to re-shape personal and social identities. In a different context, South African documentary photography became a formidable tool to fight against apartheid. Not to mention the production of an official imagery released during and after liberation wars, which froze for propaganda aims the images of revolt.
Finally, facing an increasing need to reconnect with historical images – which is facilitated today by digital technologies – this panel will try to grasp how these “resistance photographs” may be borrowed and updated today to serve present fights and stakes.
Hence, particular trajectories of images that “contest” or are even “contested”, that move the boundaries of what is usually admitted within groups or communities of interest in contemporary African societies, will be at the center of our panel’s concerns.

Histoires de photographies contestataires/contestées
Dans le sillage de nombreux travaux (Christraud Geary, 2002 et Estelle Sohier, 2012) analysant la vie sociale et politique des images photographiques produites sur le continent africain depuis la deuxième moitié du 19e siècle pour éclairer, avec des outils renouvelés, les enjeux des époques qui les ont vu naître, ce panel vise à mettre en lumière les différents contextes dans lesquels ces images, leurs usages et les circulations de leurs supports, ont pu, à un moment donné, contester les discours dominants de leur temps.
Ainsi, au tournant des indépendances africaines, le studio du photographe devient le lieu où se réinventer en tant qu’individu. Dans un tout autre contexte, la photographie documentaire sud-africaine va devenir un redoutable outil de lutte contre l’apartheid. Autre exemple : la production d’une imagerie officielle fait surface pendant et après les guerres de libération, figeant à des fins de propagande les images de la révolte. Face au besoin grandissant de se réapproprier ces images historiques, à l’ère du numérique, cet atelier tentera également d’étudier comment ces photographies “en résistance” sont réinvesties et actualisées afin de servir les luttes présentes.
Ainsi, les trajectoires particulières d’images “contestataires”, voire “contestées”, faisant bouger les lignes de ce qui est couramment admis au sein de groupes et de communautés d’intérêt dans les sociétés africaines contemporaines, seront traitées dans ce panel.

Paper 1

Schneider Jürg / Centre for African Studies, University of Basel

Bearing Witness. The contestatory and contested virtues of mission photography

Christian missionary activity was by definition contestatory since it was basically a struggle for superiority and victory over traditional local belief systems. In this struggle mission societies extensively “called upon [photography] to witness” their work and success of conversion in two ways. Firstly, by the fact that every photograph, on a quite general level, bears witness to an event in the past and that to look at a photograph means to witness. Secondly, because photography offered the possibility “to perform radical contestatory work that opened up and claimed a fundamentally new signifying space” (Shawn Michelle Smith, 2004). Could we thus, by referring to the etymology of the Latin verb “contestari – call upon to witness” put forward the argument that mission photographs are by definition contestatory photographs? This is more than just etymological gimmickry. To the contrary, this kind of arguing provides the opportunity to deal with questions what actually contestatory photographs are, what constitutes their contestatory quality and under what circumstances they might lose those qualities.
Such questions will be addressed by looking at two mission photographs from 19th century Nigeria.
Initially, meant by the Church Mission Society “to translate in order to appropriate” (Bal, 2002: 72) the images subsequently, between 1878 and 1910, appeared in various, and other than missionary, contexts and media.

Paper 2

Sohier Estelle / Université de Genève

A Postcolonial Description of Egypt. Fred Boissonnas’ Égypte, a Photographic Monument for an Independent Egyptian Nation (1928-1932)

Si l’histoire des photographes voyageurs européens en Égypte au 19ème siècle et au début du 20ème siècle est bien connue, on ne dispose que de peu d’informations sur l’utilisation de la photographie par les Égyptiens eux-mêmes à la même période. Cette communication a pour but de présenter un pan du patrimoine photographique égyptien exceptionnel, mais méconnu, conservé à la Société de géographie du Caire et à la Bibliothèque de Genève, en s’interrogeant sur le message, le statut et le rôle de ces documents produits dans un contexte postcolonial, à l’issue du protectorat britannique.
En 1929, le roi Fouad commandita à un photographe suisse, Fred Boissonnas, un ouvrage monumental sur l’Egypte. Des milliers de photographies furent alors réalisées au cours d’une vaste campagne dans le pays, et une partie des documents fut publiée en 1932 dans un ouvrage luxueux financé grâce à une souscription lancée auprès des élites égyptiennes.
Ces documents participaient à la production d’une nouvelle vision officielle du pays, en s’inscrivant dans une lutte de représentation pour la définition d’une identité nationale, dans le contexte de l’indépendance politique. Comment cette commande permettait-elle de contester la vision du pays imposée par les Européens depuis la campagne d’Egypte ? Dans quelle mesure la photographie était-elle l’expression d’une réappropriation d’un patrimoine visuel créé par les étrangers, et un outil pour redéfinir un imaginaire géographique exogène ?

Paper 3

Rajaonarison Helihanta / Université d’Antananarivo, Département d’histoire

Avril 1947, des Européens manifestent contre l’administration coloniale à Antananarivo

Les 29 et 30 mars 1947, des révoltes malgaches éclatent dans plusieurs endroits de l’île face à l’injustice coloniale. Les causes immédiates de ces réactions violentes sont principalement les conditions des travailleurs malgaches dans les concessions où ont eu lieu ces jours-là incendies et saccages pour signifier une amertume nourrie par une forte soif d’indépendance et de liberté. Alors victimes de ces actes d’insurrection, les propriétaires, presque exclusivement européens, se tournent vers le pouvoir central qui, censé les protéger, les a « oubliés » dans leurs tourments. Des photographies aujourd’hui conservées à l’Agence nationale Taratra font voir des groupes de Vazaha (Occidentaux) à l’air grave rassemblés devant les grilles de la Résidence générale. Venus de toutes parts de l’île, ils sont là pour interpeler le régime accusé de faiblesse. Ils se mobilisent pour signifier leurs inquiétudes et leurs revendications. Cette manifestation publique, mouvement rare de la part d’Européens de la colonie, est encore peu évoquée. Or capturée par les objectifs des techniciens de l’agence photographique de l’époque, cette scène de contestation de Français (dans la majorité) contre le gouvernement général à Madagascar constitue une série de documents encore peu connus de 1947 à Madagascar. Pour quelles motivations une agence photographique officielle immortalise-t-elle des scènes peu glorifiantes pour le régime ? Quels intérêts pour les historiens de la période ?

Paper 4

Nur Goni Marian / CRAL, EHESS

L’album « Somalis » du prince Bonaparte (1890) : trajectoires d’images

Proche de la Société d’Anthropologie de Paris fondée en 1859 par l’anatomiste Paul Broca (1824-1880), le prince Roland Bonaparte (1858-1924) est à l’origine d’une ample production de photographies de « différents groupes ethniques qui se trouvent à la surface du globe » (Les habitants de Suriname, 1884, p. VI) que d’habiles entrepreneurs recrutèrent pour les exhiber en Europe. Parmi les “Buschmen”, “Hottentots”, “Dahoméens”, “Paï Pi Bri” etc. qui passèrent devant son objectif (putatif) à Paris, figure aussi un groupe de Somalis dont témoigne aujourd’hui un album conservé dans les collections de la Société de géographie à la BNF, les négatifs correspondants sur plaque de verre étant conservés au Musée du Quai Branly. Si la production d’images de ces hommes, femmes et enfants répondait aux enjeux spécifiques à leur époque (scientifiques mais aussi liés au nouvel ordre mondial qui se met alors en place entre pays colonisateurs et pays colonisés), il n’en va pas autrement aujourd’hui pour la réception de leurs doubles dématérialisés. Débarrassés de leur carcan idéologique mais insérés dans de nouveaux enjeux et narrations, ils entament aujourd’hui sur la toile une nouvelle vie grâce aux activités connectées d’une génération de Somalis de la diaspora, dont les appropriations viennent en quelque sorte contester le cadre dans lequel elles furent initialement produites. Cette communication tentera ainsi d’en éclaircir les trajectoires historique et contemporaine.

Paper 5

Hickerson Katie Joan / University of Pennsylvania

The Textual Lives of Omdurman’s Dead: Photography, Colonial Conquest, and Imperial Reckoning

On 2 September 1898, British and Egyptian forces defeated the Mahdist army north of Omdurman, putting the last nail in the coffin of the Mahdist State (1885-1898). Over 11,000 Mahdists lost their lives in the five-hour battle on Karari field. Amid dust swirls and as it settled, journalists and military photographers captured images of the dead and dying Mahdists in a panorama of suffering. These photographs laid the foundation for photographic practices that continued in the post-colonial era; images from the civil wars between North and South attest to the enduring legacy of photographs of the dead animating political life. This paper examines the multivalent meanings and textual lives of the Mahdist dead. By textual lives, I mean their generative potential as meaning-makers that allows them to be read as historic sources. I do this in three sections: first, I look at these photographs as depictions of the battlefield and as well as constructions of the conflict’s meaning-through framing, staging, and captions; second, I ask what people made of these images at the time and see how they were used for particular ends during the colonial period; third, I examine the meanings of their digital manifestations and distribution today on Sudanese Facebook pages and British museum websites, where dialogue, discourse, and memory are enacted through online forums, creating and re-creating meaning from the Mahdist dead.

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