P056 – Days of Anger
9 July, 09:00 – 10:30

Convenor(s)
Siméant Johanna / Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Bonnecase Vincent / LAM, CNRS

Abstract

Revolts and revolutions are punctuated by days of anger from which they sometimes take their names. These days cannot be reduced to an immediate material causality. They are inscribed in an often long history, carry political imaginaries and can express common or diverse feelings towards injustice. Reducing those days to symptoms of broader and structural inequities can lead to not describing them concretely, analyzing what happens and what is at stake in them – and considering the methodological issues of doing so for social sciences.
We intend to use the short time of days of mobilization in Africa as a privileged lens to seize what is at stake in protest, in terms of affinities, concrete practices (violence targets, scenes…), transformation or the street or local spaces as “a place that is ours”, be it only for a few hours, but also a way to seize sociabilities, intermediations, relationships to authorities and expression of the just and the unjust. If “the day” is the common lens of the expected contributions, many collective mobilizations can be considered.
Among the conceivable topics, one will consider the circulation of anger, in its material, spatial and social dimensions; the protest practices of the street, in particular the use of violence and its legitimation; the processes of elaboration, sometimes unification, of often heterogeneous meanings, during those days and even after.

Jours de colère
Révoltes et révolutions sont ponctuées de journées de colère qui vont parfois jusqu’à leur donner leur nom. Ces journées, loin d’être réductibles à une causalité matérielle immédiate, s’inscrivent dans une histoire souvent longue, véhiculent des imaginaires politiques et peuvent traduire des ressentis, communs ou hétérogènes, face à l’injustice. Mais à faire trop vite de ces jours de colère les symptômes de déséquilibres structurels, le risque est d’omettre de les décrire et les analyser très concrètement – et d’envisager les enjeux de méthode pour le faire.

Nous nous proposons de faire du temps court de journées de mobilisation en Afrique un site d’observation privilégié de ce qui se joue dans la protestation, en termes d’affinités, de convivialités, de pratiques concrètes (cibles de la violence, parcours…), de transformation de la rue (ou d’espaces ruraux) en espace « qui est à nous », fût-ce pour quelques heures, mais aussi de sociabilités, d’intermédiations, de rapports aux autorités et d’expressions du juste ou de l’injuste. Si « la journée » constitue l’entrée commune aux contributions attendues, nombre de mobilisations collectives peuvent être considérées.
On examinera la circulation de la colère, dans ses dimensions matérielle, spatiale, sociale ; les pratiques protestataires de rue, notamment l’usage de la violence et sa légitimation; les processus d’élaboration voire d’unification du sens d’indignations souvent hétérogènes, pendant voire après ces journées.

Paper 1

Banégas Richard / CERI, Sciences Po

28-29-30 octobre 2014. Les derniers jours du régime de Blaise Compaoré, entre manifestations, émeutes, attentismes et violences. Comment penser ensemble les expressions de la colère ?

Les trois derniers jours du régime de Blaise Compaoré ont donné lieu, notamment dans les principales villes du Burkina Faso, à un spectre extrêmement hétérogènes de mobilisations collectives et d’actions individuelles avec, le 28 octobre, la plus grande manifestation jamais organisée à Ouagadougou depuis celle du 3 janvier 1966, le 29 octobre des marches contre la vie chère suivies dans certaines villes secondaires et, le 30 octobre, une journée d’actions plus violentes et plus éparpillées, marquée par le saccage de maisons de dignitaires, le vol dans différents commerces et la prise de l’Assemblée nationale par la force. Notre intervention vise à interroger l’articulation entre ces différentes expressions individuelles ou collectives de la colère, qu’une approche trop rigide des répertoires d’action collective amène parfois à traiter de manière séparée voire alternative, comme si la marche, la casse, le vol ou l’attentisme étaient nécessairement le fait d’acteurs ou de situations fondamentalement différents. Nous nous appuierons pour cela sur des entretiens menés en mars 2015 avec différents protagonistes de la colère – sinon de la contestation –, tout en mobilisant des données collectées dans le cadre de terrain plus anciens.

Paper 2

Brisset-Foucault Florence / IMAF, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Debate and Punish: the 2009 Protests in Uganda

This study is based on the idea that a micro-approach allows to understand the localised, multiple and nuanced character of protests, why they happen in particular a way in a particular place, how different demands, conflicts, conceptions of the self, authority and justice are entangled, and interrogate the links between them and the wider context. It focuses on two days of anger (10 and 11 Sept. 2009, commonly called the “Buganda riots”, as they started when people interpreted that the Kingdom of Buganda was under threat by the government. It aims to offer a thick description of the forms, targets of action and the geography of anger and repression in Kampala, Masaka as well as on main roads and in trading centers around the region and investigate their historicity. The main source of conflict and violence in 2009 was the fight between protesters and the government forces and the harsh repression carried by the latter. However 2009 was originally a strike, and had a fundamental internal dimension, contributing to the contentious imagination of Buganda as a community. People were also protesting against those Baganda whom they thought were not loyal enough to the King. Road blocks were a central tool within this disciplining apparatus: they carry a complex local history, can be compared to similar phenomena in history, and allow taking into account a neglected aspect of “riots”, despite the etymology of the word: the deliberative aspect of violent protests.

Paper 3

Dakhli Leyla / Centre Marc Bloch

La journée du 14 janvier 2011 à Tunis

La journée qui a fait chuter le président Ben Ali en Tunisie il y a plus de 4 ans est aujourd’hui devenue un lieu de mémoire (contesté) pour la révolution tunisienne et insérée dans un récit révolutionnaire dont elle est l’acmé et l’aboutissement. Elle apparaît aujourd’hui comme « le moment de la victoire ». Alors que le soulèvement de Sidi Bouzid a fait l’objet d’analyses et d’études, ce moment là semble faire consensus et relever d’une forme de joie partagée. Or, cette journée aurait dû être une journée de mobilisation syndicale traditionnelle. Elle a pourtant été marquée par une colère qui a fait émerger le slogan « Dégage » devenu un symbole de la révolution tunisienne. Le cortège classique a été « investi par la colère » et l’on peut en faire une étude fine. La « journée » commence alors avec le discours de Ben Ali le 13 au soir et la mobilisation de proche en proche qui la suit. On voit alors des manifestants « non-traditionnels » rejoindre le mouvement par indignation, avec le sentiment souvent évoqué d’aller faire acte de présence symbolique, par égards pour les morts des jours précédents dans le pays. La montée de la colère s’effectue par agrégation, déplacements progressifs et l’on peut faire l’hypothèse que la convergence des luttes qui s’effectue s’opère littéralement dans l’espace de la manifestation. Il s’agit de comprendre comment se transforme la nature même de la journée et par quels acteurs sont pris en charge les différents moments de la mobilisation.

Paper 4

Lott Gaia / University of Florence

Ikiza 1972

The paper aims to describe the controversial (not yet completely clarified) development of the 1972 hutu uprising in Burundi. The 1972 Burundian events can be considered as a privileged lens to understand the deep root of the Burundian ethnic/social conflict – that will give rise to the civil war of the nineties – as well as its regional and international implications. The anger and violence of those days on one hand reflect the contradictions of Burundian society, its internal dynamics and international connections. They represent the first (and unique until 1993) concrete national-scale attempt of the hutu majority to re-gain a political space. On the other hand, the anger and violence of those days have represented the most important mortgage for the peace of the country in the following years. The state repression that followed the uprising has been described as the first genocide in the African continent after the gaining of independence. It has heavily affected the followin g 30 years of Burundian history, depriving the country of a hutu elite and influencing collective imaginaries and narratives. Analysing concretely and in detail the development of those days of violence (the “ikiza”, “catastrophe” in Kirundi), object of conflicting memories in the country that still influence the interpretation of the present, is strategic in this sense. The sources for this analysis are international reports, witness testimonies and western diplomatic correspondence of the period.

Paper 5

Gavelle Julien / CASOA

De la colère au lynchage : les différents instants de la violence populaire au Mali

2 mois après le coup d’Etat de mars 2012, à l’appel d’organisations pro-putschistes, une foule portée par des slogans nationalistes et souverainistes exige la démission du président par intérim, désigné auparavant lors d’une médiation panafricaine, et dont le mandat arrive à échéance. La marche se prolonge par une agitation émeutière et aboutit au lynchage du président, gravement blessé. Rumeurs et une enquête non aboutie alimentent les soupçons d’une déstabilisation ou d’une tentative d’assassinat fomentée dans le climat concurrentiel d’un pouvoir trifide, relayée par des positions nationalistes. L’ambivalence entre identité des acteurs et mobiles socio-politiques d’un côté, anomie et perceptions (néo)tardiennes de l’autre- informe communément l’approche du lynchage. Je compare les témoignages recueillis et des vidéos de cet événement avec une documentation sur des lynchages à Bamako, et analyse des moments de ces violences et leur narration. Si les deux formes n’ont pas le même statut–la violence du lynchage dans les quartiers est l’objet de la mobilisation tandis qu’elle en est l’issue actualisée et/ou « involontaire » dans les manifestations-, toutes deux convoquent des relations complémentaires ou concurrentes entre actants. Aux creux de ces phases s’amorcent des formes discursives de légitimité, ou leur impossibilité. J’envisage l’historicité de ces violences et leur rapport dans les constructions d’une mémoire locale commune, au delà de leur réduction à l’anomie.

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