P071 – Autobiographies de militantes ou l’écriture de soi comme expression politique
10 July, 16:00 – 17:30

Convenor(s)
Rillon Ophélie / IMAF-Paris 1
Monciaud Didier / GREMAMO

Abstract

Ce panel propose d’étudier l’écriture féminine autobiographique et ses usages politiques : logiques mémorielles, promotion personnelle, défense d’une cause (sociale, religieuse ou partisane). Si les témoignages écrits laissés par les Africaines sont rares – tant l’écriture de soi constitue une imposture pour les subalternes – l’importance accordée à l’intime dans les mémoires de femmes permet d’écrire une histoire où s’enchevêtrent les positionnements politiques et personnels, les réseaux militants et familiaux/sociaux. Qu’elles prennent la forme d’un récit militant ou d’une histoire de vie, qu’elles aient été publiées ou non, l’ensemble des autobiographies de femmes seront prises en compte dans ce panel qui ambitionne d’étudier, de concert, le dispositif narratif et la démarche de production de tels récits.
Il s’agira notamment d’interroger :
– les pratiques biographiques et leurs usages politiques. En refusant « l’illusion biographique » soulignée par Bourdieu, on s’intéressera aux silences, aux processus de sélection, de légitimation et de mise en cohérence suscités par le récit.
– les voix critiques qui émergent de ces types de récits hautement codifiés : peut-on identifier une démarche féministe qui ne dit pas son nom, en quoi le passage à l’écrit a pu constituer une arme de distinction au sein d’une organisation ?

Autobiographies of Women Activists or the Writing of the Self as a Political Expression
This panel aims to tackle women’s autobiographical writing and its political uses: memorial logics, personal promotion, defense of a commitment, whether social, religious or partisan. If testimonies left by African women remained rather rare – self-writing can be considered as an imposture for the subalterns – the importance given to the intimate dimension in the women’s memoirs may help to write a history where political and personal agendas, militant and family/social networks are closely interconnected.
Through the form of activist narrative or life story, whether published or not, women autobiographies will be considered to study together the narrative system and the production approach of these accounts.
The panel will include questions such as:
– Biographical practices and their political uses. While refusing what Pierre Bourdieu called « l’illusion biographique », we would like to discuss issues such as silences, selection and legitimation processes and the building of coherence shaped by such materials.
– Critical voices emerging from this highly codified type of narration: is it possible to identify a feminist approach that would not define itself as such ? How moving towards the writing could have been a weapon of distinction within organizations.

Paper 1

Drew Allison / University of York

Voix autobiographique d’une militante algérienne : l’expérience de Lucette Hadj Ali

Décédée à l’âge de 94 ans, Lucette Hadj Ali incarne une riche expérience du combat contre le colonialisme et en faveur de l’émancipation humaine. Née à Oran en 1920, elle est issue d’une famille européenne. Vivant dans un « cocon », elle découvre progressivement les réalités coloniales. Après avoir enseigné, elle entre à l’AFP où Henri Alleg est traducteur. Elle s’engage. A partir de 1943, elle est journaliste à l’hebdomadaire du Parti Communiste Algérien (PCA), Liberté, puis au mensuel Femmes d’Algérie de l’Union des femmes d’Algérie avant de participer à la “grande aventure d’Alger Républicain”. Pendant la guerre d’Algérie, elle milite dans la clandestinité avec la dissolution du PCA en 1955. Elle devient la campagne de Bachir Hadj Ali, poète-militant et figure du PCA. Après l’indépendance, elle subit une nouvelle épreuve quand ce dernier est arrêté et torturé en novembre 1965. Elle quitte l’Algérie dans les années 1990 à la suite de menaces de mort. Notre communication propose une étude critique de son autobiographie , construction identitaire et politique et source d’une trajectoire individuelle, d’une génération et d’une période.

Paper 2

Grassin Paul / CESSP – Université Paris 1

« Fearless Fighter » de Vera Chirwa : autobiographie et construction identitaire de « la » femme militante africaine au Malawi

Rompant avec l’idée que l’autobiographie serait un témoignage authentique où la confusion entre auteur et personnage principal serait gage de sincérité et de véracité historique, cette communication entend explorer les mécanismes de construction du récit autobiographique et les multiples interactions qui conduisent à son élaboration. L’ « auto »biographie de Vera Chirwa – militante malawienne ayant connu la lutte pour l’indépendance puis contre la dictature postcoloniale – écrite par l’Institut Danois pour les Droits Humains à partir d’entretiens, offre un support unique pour éclairer les usages politiques et militants de l’écriture de soi.
Un travail d’exégèse s’intéressera à montrer comment l’enchâssement de l’histoire politique nationale malawienne dans un récit intime contribue à la production d’un modèle identitaire archétypal de « la femme africaine militante ». L’objectif est de faire de Vera Chriwa une véritable allégorie féminine de l’ « insoumission à la tyrannie » et de sa vie un long combat pour la liberté dont la cohérence et la pureté sont renforcés par leur incessante confrontation aux irrégularités et inconstances biographiques. En outre, la réalisation d’entretiens avec les différents parties ayant contribué à l’élaboration de l’ouvrage visera à éclairer la dimension stratégique de l’écriture de soi (et de l’écriture de l’ « autre » en ce qui concerne les commanditaires) dans une logique militante et à révéler les enjeux d’interprétation qu’ils illustrent.

Paper 3

Panata Sara / IMAF – Université Paris 1

A Women’s Movement through a Collective Autobiography : from Life History to Political Struggle in Nigeria

Le domaine politique étant formellement destiné aux hommes, les organisations féminines nigérianes des années 1950 se réclamaient à l’unisson comme « apolitique » et uniquement tournées vers l’action sociale. Le seul mouvement féminin affirmant ouvertement son engagement partisan était le Women Movement of Nigeria, qui paya son action en étant censuré par les journaux. La présidente de ce mouvement, Mrs Elizabeth Adekogbe, a donc pris le parti éminemment politique de retracer dans un cahier inédit de cinquante pages l’activité du mouvement. Intitulée Life History of the Women Movement et retrouvée en février 2014 dans les archives privées de cette militante, cette source retrace la vie de l’organisation vue de l’intérieur de 1952 à 1958.
Il s’agira d’abord de saisir la particularité d’un récit de vie collectif mais en même temps personnel car c’est à la fois l’autobiographie d’une femme et de son mouvement. On s’interrogera sur l’utilisation de ce cahier comme outil de lutte politique à travers des processus sélectifs de narration. Lu au regard de la presse et des témoignages oraux, il révèle toute sa portée militante faisant émerger ces femmes à la fois comme des victimes et des actrices pleinement concernées et engagées dans les dynamiques politiques des années 1950. On questionnera également la dimension genrée propre aux modalités d’expression de ces femmes en les confrontant aux modes d’engagement des autres partis politiques majoritairement masculins.

Paper 4

Monciaud Didier / GREMAMO – Université Paris 7

Politique de la mémoire et mémoire de la politique à travers les mémoires d’Injy Aflatoun : trajectoire individuelle, identités, idéologie et engagements dans l’Égypte contemporaine

L’histoire des luttes pour les droits des femmes en Égypte est riche d’engagements, de contributions et de mobilisations. Dans les années 1940, de nombreuses jeunes égyptiennes rejoignent le mouvement communiste alors en plein essor dans un pays sous domination britannique. Injî Aflâtûn, jeune éduquée passionnée de peinture, s’engage et s’investit pour les droits des femmes en Égypte, action qui s’articule, non sans tensions, aux luttes anticolonialistes et d’émancipation.
Son autobiographie publiée de manière posthume repose sur des entretiens réalisés dans les années 1980. Elle traite de son enfance jusqu’a sa sortie des prisons nassériennes au début des années 1960. L’autobiographie, auto-narration d’une trajectoire personnelle et politique, peut fournir une stimulante source sur l’acteur-auteur, ses racines sociales et culturelles, ses expériences, et plus largement sur la période et sa génération. Elle comporte aussi une série de problèmes méthodologiques. II s’agira ainsi de questionner l’identité que le sujet cherche à accréditer, rejeter « l’illusion biographique » et la construction d’un sens unitaire de vie. Nous aborderons aussi les rapports entre 1’héritage historique de l’auteur et son credo politique au moment de la production de cette autobiographie.

Paper 5

Tiplady Higgs Eleanor / SOAS University of London

Christianity in the Kenyan women’s movement: An (auto)biography of Mwajuma Alice Abok and the Young Women’s Christan Association in Kenya

This paper offers a brief discussion of the tensions and continuities between institutional and individual (auto)biography, and attends to some of the oft-neglected links between women’s movements and Christianities. It does so by reading/constructing an (auto)biographical account of Mwajuma Alice Abok, a former leader of the Young Women’s Christian Association (YWCA) in Kenya. Kenya YWCA is the oldest formalised women’s organisation in Kenya, with a focus on addressing gendered issues of social justice and welfare.
Mwajuma Alice Abok’s activism has been enacted firmly within the YWCA and the wider institutional framework of transnational Christian women’s organising. The (auto)biography under construction/discussion here is formed of material published in Abok’s monograph Winds of Hope (2004), and narrated during an interview conducted in Nairobi in 2012. In these accounts, Abok describes her leadership of Kenya YWCA, a story that is interwoven with a broader narrative telling the history of the organiation and the women’s movement in Kenya more broadly. Therefore, in line with the panel’s concern with the ‘political’ writing of the self, this paper considers the central role of a Christian identity and faith in Abok’s (auto)biographical narrative. The autobiography of another former Kenya YWCA leader emerges as a source of memory and knowlegde for the construction of Kenya YWCA’s institutional identity and Abok’s (auto)biographical narrative.

← Back to list