P073 – Espaces autoritaires en Afrique
10 July, 14:00 – 15:30

Convenor(s)
Planel Sabine / Institut de Recherche pour le Développement (IRD)
Morelle Marie / Université Paris 1

Abstract

L’analyse de l’espace en situations autoritaires s’inscrit dans une approche matérielle et « par le bas » de l’autoritarisme qui complète les analyses sur le renouveau autoritaire (Brookers, 2000, Bayart, 2008, Dabène et al., 2008, Hibou, 2011). Elle rompt avec l’idée que les pratiques autoritaires (de la contrainte à la violence) sont principalement un effet de régime et s’interroge sur leur spatialisation.
Le panel est l’occasion de mieux comprendre la spatialisation de la domination d’Etat. L’accent porte ainsi sur la dimension spatiale des dispositifs de contrôle et sur sa mobilisation par ceux qui exercent le pouvoir comme par ceux qui s’y opposent afin de montrer en quoi l’espace constitue une ressource proprement politique pour les gouvernants comme pour les gouvernés. Nous observerons en autres en quoi les périmètres dérogatoires (d’aménagement, de développement, de rétention ou d’assistance), les mobilités contraintes ou sous contrôle ou encore la structuration et le contrôle d’échelons locaux de gouvernement expriment et renforcent à la fois un exercice autoritaire du pouvoir favorisant leur banalisation et une dépolitisation de façade. Nous chercherons également à comprendre comment les résistances à ces mêmes pratiques développent des stratégies proprement spatiales (mobilité, contrôle des lieux de pouvoir, (re)création d’un espace public…).

Authoritarian Spaces in Africa
The analysis of space in authoritarian situations is part of a material and “from the bottom” approach to authoritarianism, which follows on from analyses of the authoritarian revival (Brookers, 2000; Bayart, 2008; Dabène et al., 2008; Hibou, 2011). It breaks with the idea that authoritarian practices (from constraint to violence) are primarily driven by regimes, and explores them from a spatial perspective.
The panel provides an opportunity to improve our understanding of the spatialisation of state domination. The emphasis will therefore be placed on the spatial dimension of control systems and on its utilisation both by the exercisers and opponents of power, in order to show in what way space constitutes a specifically political resource for both governors and governed.
Among other aspects, we will observe how areas of exemption (for planning, for development, for detention or for assistance), the restriction or control of mobilities or indeed top-down limitation of local government autonomy simultaneously express and reinforce an authoritarian exercise of power that contributes to their widespread acceptance and a surface depoliticisation. We will also try to understand how specifically spatial strategies are developed in resistance to these practices (mobility, control of locations of power, (re)creation of public space…).

Paper 1

Eulenberger Immo / Max-Planck Institute for Social Anthropology

Shifting spatial arrangements of power and the masks of authoritarianism in a Northeast African cross-border region

The Ateker-speaking, traditionally (agro-)pastoralist common borderlands of South Sudan, Ethiopia, Kenya and Uganda have long been remote to the centres of power of their respective governments, to their interests and ambitions, and consequently to their penetration efforts, a fact indigenous communities have cherished, intentionally furthered and protected. Especially civil wars and new projects of resource extraction, like the Lower Omo agro-industry project (Ethiopia), the military occupation of Karamoja (Uganda), the discovery of vast oil and water reserves in Turkana (Kenya), or South Sudan’s new war, have altered the socio-spatial landscape in which indigenous communities had preserved high degrees of autonomy, not least thanks to their remarkable military strength. In this paper, based on studies commencing in 2008 and including three years of fieldwork, I examine comparatively the historical dynamics of shifting arrangements between pastoralists and modern actors, the manifestations and functionality of authoritarianism in the region, the patterns of cooperation, conflict and avoidance and the logics of their changing manifestation in space.

Paper 2

Villanucci Alessia / University of Messina

Community mobilisation and the shaping of space and time in rural Tigray (Ethiopia)

The Ethiopian government is implementing a process of development and “modernization”, aiming to reach the status of a middle-income country by 2025. Community participation is central to this strategy and is obtained by means of mobilisation practices inspired by the Tigray People’s Liberation Front revolutionary experience during the struggle against the Derg.
The paper is based on an ethnographic research conducted in a rural district of Tigray, focused on health strategies such as the Health Extension Programme and the Women Development Army. It reflects on the process of construction of hegemony enacted by the party-state apparatus, and on its relation with the categories of space and time. At a local level, people’s mobilisation is related to the use of coercion methods, as well as to the construction of consensus. The last appears to be gained through the evocation of the memories of the liberation struggle and through the production of narratives of future progress and wellbeing. At the same time, authority is spatialized through the creation of “model” households, villages and districts. This practice reinforces hierarchies of power and values, as well as inequalities in the distribution of resources.
In order to avoid a view of state-citizens relations as a mere result of top-down interactions, the paper will show how social actors manipulate developmental discourses and resources through micro-local “strategies of extraversion” (Bayart 1999) and power networks.

Paper 3

Debout Lise / Université Paris Ouest Nanterre La Défense

City materiality and non-mobilisation in the construction of a political space in Egypt

L’Égypte de Mubarak a donné lieu à de nombreux travaux issus de la science politique mettant en avant le caractère autoritaire de ce régime. Celle de Sissi, bien que de fait encore moins explorée et moins connue, ne semble pas moins repressive et autoritaire, de même que les outils de sa coercition et de son contrôle ne semblent guère être différents. Cependant une approche par les territoires permet de nuancer la puissance de ces dispositifs et en partie de mettre en avant des processus de territorialisation par la mobilisation multiforme d’individus au niveau local et en dehors des voies traditionnelles de la contestation. De même, dans d’autres contextes et sous d’autres latitudes, certains travaux mettent en avant que les populations marginalisées ou sujettes à l’autoritarisme, développement un espace politique particulier en dehors des cadres politiques traditionnels (démocratie représentative, activisme, urbanisme participatif, etc.), dans lesquels ils affirment des demandes territoriales.

Cette présentation fait l’hypothèse que la matérialité de la production urbaine, permet tout autant une lecture de cet espace politique, qu’elle autorise son existence. Elle envisage la matérialité de la ville et des dispositifs comme un accès direct au politique pour les populations, urbaines en l’occurence mais pas seulement, et contribue à dessiner un espace de liberté et des contours inédits aux ressorts politiques de l’action collective ou individuelle.

Paper 4

Chevrillon-Guibert Raphaelle / UMR 201 / IMAF

Le gouvernement de l’or au Soudan : remodelage des pratiques et contrôle du secteur

Dans ma communication je me propose de revenir sur certaines des recompositions actuelles du secteur minier aurifère soudanais impulsées par le régime de Khartoum qui souhaite faire de cette économie la remplaçante de celle pétrolière quasiment disparue depuis l’Indépendance du Sud-Soudan. Plus spécifiquement, je souhaite m’intéresser dans mon intervention à l’institution du Ministère des Mines en charge du secteur comme illustration d’un mode d’exercice autoritaire du pouvoir. Il s’agira d’appréhender à travers l’analyse de cette institution la façon dont s’organisent les relations de pouvoir en son sein et celles qu’elles contribuent à façonner par son action. Plus spécialement, c’est l’élaboration différenciée de ces relations qui m’intéressera c’est-à-dire la manière dont elles s’élaborent de façon asymétrique dans le secteur selon les régions d’origine des acteurs concernés mais aussi les territoires où le précieux m inerai est exploité. Je m’intéresserai non seulement au remodelage des pratiques tel qu’entrepris par l’institution à travers l’élaboration d’un nouveau code des mines et des mesures de modernisation du secteur artisanal aurifère, mais également aux jeux de pouvoirs au sein de l’institution entre gouvernants et gouvernés. J’étudierai ces jeux en étudiant une activité particulière de l’institution : l’attribution des licences d’exploration ou d’exploitation.

Paper 5

Ginisty Karine / PRODIG, Université Paris 1

Des enclaves autoritaires à Maputo : aux marges du pouvoir dans l’espace du FRELIMO

Cette contribution se propose d’explorer la dimension spatiale de la notion d’enclave autoritaire proposée par le sociologue chilien Garreton et reprise en France par Olivier Dabène pour décrire des réseaux d’acteurs qui opposent une résistance à un changement de régime qui leur apparaît défavorable. A L’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les liens entre décentralisation et démocratisation demeurent ténus au Mozambique. Malgré l’avènement de nouvelles échelles de pouvoir publiques à partir de 1997, sanctionnées par des processus électoraux, l’analyse des pratiques politiques locales met en lumière la permanence la confusion des fonctions publiques et partidaires, le verrouillage du débat public, ainsi que la permanence du personnel politique local. Ces marqueurs attestent du maintien de pratiques qui visent à assurer un encadrement étroit de la population, et plus précisément la reproduction de processus sociaux visant à incorporer
dans le champ du politique ce qui relève de la quotidienneté. Dans cette communication, je m’intéresserai donc à l’interpénétration des pratiques quotidiennes du politique aux processus de construction de l’espace vécu des citadins pour comprendre la dimension spatiale de l’autoritarisme en ville. Cet angle d’approche me conduira à discuter de l’enclave autoritaire comme le produit de la marginalisation politique des cadres du FRELIMO.

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